RAMBOT - Histoire d'un parking contrarié

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Une interdiction clairement posée par le code civil
C’est par décision du 27 Septembre 1859 que le conseil Municipal, présidé par le Maire Emile Rigaud acceptait le legs de Monsieur Gustave Bruno Rambot. La ville, manifestant sa volonté de satisfaire toutes les conditions attachées au legs par le testateur, rentrait alors en jouissance du jardin de 1000 m2 dénommé « enclos de Beaufort » que possédait Monsieur Rambot au Cours Saint Louis, actuel Cours des Arts et Métiers.
Les conditions du legs furent particulièrement explicites, la délibération de la ville reprenant les éléments du testament : « Ce legs a été fait à la condition expresse que le jardin serait consacré à une promenade publique ou plutôt à un jardin public d’agrément avec des ombrages variés, des labyrinthes, des massifs, des kiosques, etc… afin que les goûts de loisir ou d’étude puissent y trouver dans les journées d’été la solitude et la fraîcheur favorables à la causerie, à la lecture ou à la méditation. Le bâtiment [qui faisait partie du legs et qui est aujourd’hui disparu] sera destiné à contenir des collections scientifiques telles que Musée d’Histoire Naturelle ou d’Archéologie herbiers, etc. »
Outre d’être toujours d’actualité sur ces derniers points, l’archéologie comme le Muséum restent en attente de lieux définitifs, la clairvoyance et la vigilance de Monsieur Rambot sont particulièrement aiguisées. Il ajoute « Une plaque [ …] devra être placée […] vis-à-vis de l’avenue pour indiquer le nom du donateur et sa double destination ci-dessus indiquée afin qu’elle ne soit pas dénaturée par la suite. »
Voilà pourquoi furent gravées, sur tous les piliers d’entrée du parc, les mentions de « Parc Rambot » rendant ainsi hommage au geste du généreux donateur. Pour être complet sur ce point il nous faut dire que 3000 mètre carrés, au vis-à-vis de la rue Nostradamus, ont été ajoutés à l’enclos Beaufort, les deux formant le Parc tels que les visiteurs et les familles peuvent le voir aujourd’hui.
En matière de legs, les legs font l’objet des articles 900-2 à 900-8 du code civil, toute municipalité dispose d’un délai de 10 ans (Article 900-5) après la mort du disposant pour changer la destination d’une donation. Elle doit le faire aux termes d’une procédure précise. Au-delà de ce délai, largement dépassé à ce jour pour le legs Rambot, le legs est acquis dans les conditions voulues par le testateur et acceptées par la Municipalité.
La délibération incriminée par la présente pose donc un lourd problème de droit. Même si par une argutie la délibération précise que l’ouvrage sera réalisé au « tréfonds du Parc Rambot » et qu’il permettra « de conserver en surface l'usage de jardin public du Parc Rambot ».
Que faites-vous Madame la Maire de l’invitation à la fraîcheur explicitement voulue par le testateur. Qu’en resterait-il avec votre parking ?
Un toit végétalisé ne sera jamais un véritable jardin tel que l’a voulu Mr Rambot et tel que la ville l’a accepté ? Nous sommes là dans la « dénaturation », si je puis dire, dont la ville, comme le légataire se prémunissait en 1859 !
Et puis comment pourrait-on réinstaller un jardin avec des jeux d’enfants, des poussettes, des mamans à côté d’extracteurs crachant des polluants de toutes sortes ?
Pour réaliser l’ouvrage vous serez bien obligée de supprimer le jardin actuel, les plantations, les arbres et notamment des micoucouliers et cela serait en totale contradiction avec le legs comme ne manqueraient pas de le noter les institutions chargées dans ce pays de faire respecter le droit !
La délibération citée en objet change donc la destination du legs ce qui est strictement interdit par le code civil.
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Une contradiction flagrante avec le Plan de Déplacements Urbains (PDU).
La contradiction avec le l’objectif numéro 2 du PDU, voté en Décembre 2015 par la Communauté du Pays d’Aix est flagrante. Cet objectif vise à RÉDUIRE L’USAGE DE LA VOITURE ET MIEUX ORGANISER LES LIVRAISONS. « Aujourd’hui, les opinions publiques sont plus favorables qu’on ne le croit à la réduction du stationnement en ville. 79% des personnes sondées au cours de l’enquête ménages déplacements en 2009 étaient d’accord pour dire que la voiture en ville n’est pas nécessaire. Quand le stationnement est difficile, cher ou impossible, les études montrent que l’on utilise deux fois moins sa voiture». Cet objectif du PDU est structuré autour de deux grands axes « Créer du stationnement en périphérie, pour plus d’intermodalité et ainsi faciliter le rabattement des automobilistes vers le transport collectif d’une part et d’autre part le limiter en centre-ville ».
Et la contradiction avec le PDU ne s’arrête pas là. Citons encore le PDU. « La ville d’Aix-en-Provence va supprimer plus de 400 places de stationnement dans le cadre du réaménagement du centre-ville et de l’extension de la semi piétonisation, sur les places des Prêcheurs et de la Madeleine, sur les rues Portalis, Verdun et Lacepède. Cette suppression d’ampleur va s’accompagner de la création de places de substitution pour les résidants à proximité du cours des arts et métiers. ».
Dans le PDU il n’est absolument pas question de créer un nouveau parking.
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Une imprécision totale sur l’environnement, le coût de l’ouvrage et une contradiction totale dans le nombre de places
La délibération propose, à l’initiative de la SEMEPA de réaliser un parc souterrain de 300 puis plus loin de 400 places, les deux chiffres figurant de façon totalement contradictoire dans la délibération, sur 4 niveaux. Cette proposition n’est accompagnée d’aucune étude portant sur les qualités des sols à perforer, les veines hydrauliques potentiellement présentes. Aucun macro chiffrage du coût de l’ouvrage n’est présent.
Comment croire que la SEMEPA ne dispose pas de ces données et pourquoi ne sont-elles pas rendues publiques ? Rappelons que d’autres études avaient conclu, à cause des mouvements d’écoulement d’eau à cet endroit, qu’il n’était pas possible, voire dangereux d’envisager une infrastructure souterraine à cet endroit-là.
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La redondance avec un équipement existant
Cette nouvelle localisation du parking, improvisée au cours d’une réunion publique tumultueuse et suite à une mobilisation salutaire pour sauver nos platanes d’alignement, nous rapproche encore, à quelques dizaines de mètres, du parc de stationnement Rambot. L’utilisation optimale de ce dernier éviterait aux Aixois d’avoir à débourser plusieurs fois des millions d’euros pour la même infrastructure. Le coût du parking Rambot, inauguré en 2009 ce n’est pas si vieux, était de 9 Millions HT. Il nous faut en faire une utilisation optimale.
Rappelons aussi, et il y a urgence à agir eu égard aux défis posés par la requalification des places à la commercialité du quartier, la proposition de faire, à partir de l’entrée du Parc Rambot une allée soit négociée avec les Arts et Métiers et donc au cœur de l’école ou bien sur les voies existantes.
Allée qui permettrait aux vélos, aux piétons et à des « Super diablines » de relier, en moins de 3 minutes, le cœur commerçant du quartier comtal. Ce passage Agard du 21ième siècle redonnerait « de l’oxygène » aux commerces de ce quartier « Palais Précheurs » qui souffre à la fois de la concurrence des Allées provençales, mais encore plus de la perte des marchés et des nuisances des chantiers.
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Le non-respect de la loi sur l’Air
La législation stipule que chacun a le droit de respirer un air qui ne nuise pas à santé. AirPaca classait, déjà en 2010, cette zone urbaine dans la catégorie des espaces dépassant les limites d’émission pour le dioxyde d’azote, pour le benzène et les particules inférieures à 10 microns. L’infrastructure, dont la délibération est l’objet, ne viendrait que dégrader un air qui n’avait pas besoin de cela pour être hors normes.
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La contradiction avec le PLU en l’état
Le Parc Rambot est situé en zone UI, zone urbaine d’intensification, qui a pour vocation de favoriser le renouvellement urbain le long des axes structurants en prolongeant le tissu continu, tout en conservant des espaces de respiration en cœur d’îlot. La zone UI favorise la diversification des fonctions urbaines et la mixité de l’habitat.
Le Parc Rambot est intégré, pour les parcelles concernées, dans une partie de cette zone UI appelée « secteur d’attente de projet ». C’est en fait une servitude d’inconstructibilité pour 5 ans maximum imposée par le PLU sur le secteur. La Ville prévoirait, à terme sur ce secteur, un projet d’aménagement global. Elle « gèle », dans l’attente et à quelques exceptions près, toute construction afin de ne pas obérer le futur projet. Il s’agit de l’application des articles L 123-2 a et R 123-12 4 b du Code de l’urbanisme.
Pour « sortir » de cette situation, le PLU devrait être au minimum modifié ce qui nécessitera du temps alors qu’il y a urgence à agir. De plus les procédures de modification recréent des aléas juridiques et sont susceptibles de recours devant les juridictions compétentes. Les délais induits par ces procédures sont là encore contradictoires avec l’obligation de trouver des solutions rapides aux problèmes posés par le stationnement.
Aussi, pour toutes les raisons ci-dessus explicitées et compte tenu de l’aléa juridique, technique, financier, des impacts écologiques et humains de la délibération; pour que la parole et la mémoire de nos anciens soient respectées, pour que nos enfants continuent de jouir d’un vrai parc je vous demande Madame la Maire, par la présente et avec la plus grande insistance, d’annuler la délibération citée en sujet.
Il est temps d’engager notre ville dans de vraies solutions de mobilité alternatives qui apportent des réponses durables aux légitimes questions posées par les commerçants et les habitants.
Délibération du Conseil Municipal d’Aix-en-Provence du 27 Septembre 1859